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Le Jardin de Delphine
22 janvier 2010

Histoire -5- Le moyen français: Une période sombre

Le moyen français: Une période sombre (XIVe et XVe siècles)

Avec les XIVe et XVe siècles, s'ouvrit une période sombre pour la France, qui sombra dans un état d'anarchie et de misère. C'est l'une des époques les plus agitées de l'histoire de ce pays au point de vue sociopolitique: guerre de Cent Ans avec l'Angleterre, guerres civiles, pestes, famines, etc.

1 L'emploi du français dans les actes officiels
Dès l'époque de Philippe le Bel (1268-1314), on avait commencé à employer plus ou moins régulièrement le
PhilippeLeBel «françois» au lieu du latin dans les actes officiels, dans les parlements régionaux et à la chancellerie royale. Ainsi, dès 1300, dans le Nord, il s'était constitué une langue administrative et judiciaire qui faisait déjà concurrence au latin: la lingua gallica. Cependant, on employait la lingua occitana en Occitanie, mais après 1350 l'administration royale expédiera de plus en plus des actes rédigés en «françois». À cette époque, les ouvrages des juristes romains et des philosophes grecs furent traduits en «françois», en même temps que naissait une littérature comique ou satirique plus adaptée à un public moins instruit. Quant aux savants, clercs et autres lettrés, à défaut de franciser leur latin, ils continuaient de latiniser leur français, mais le moyen français allait aussi mettre un frein aux latiniseurs, ceux qu'on a appelé les «escumeurs du latin».
2 Les conséquences de la guerre de Cent Ans
Battle_of_crecy_froissartAvant la Peste noire de 1348, la France comptait 25 millions de citoyens, soit près du tiers de tous les Européens. Compte tenu de la division linguistique entre le Nord (langues d'oïl) et le Sud (occitan), le français était déjà la langue la plus parlée en Europe au milieu du XIVe siècle. 
La guerre de Cent Ans contre les Anglais fit naître un fort sentiment nationaliste, tant en France qu'en Angleterre, ce qui résulte dans l'éviction du français en Angleterre et la progression du français en France.
3 L'état du moyen français
Cette longue période d'instabilité politique, sociale et économique favorisa un mouvement de «relâchement linguistique».
  • Une langue simplifiée
Tout le système de l'ancien français se simplifia. Les nombreuses diphtongues et triphtongues disparurent, se réduisant à des voyelles simples dans la langue parlée. Les «lettrés» de l'époque réagirent en exigeant de conserver des graphies qui ne correspondaient plus à la langue orale; seule la langue écrite conserva les traces de la prononciation de l'époque précédente dans des mots comme oiseau, peau, fou, fleur, coeur et saoul. On eut aussi tendance à restituer des consonnes doubles disparues en ancien français (p. ex., belle pour bele d'après le latin bella).
Afin de se faire une idée des différences entre l'ancien français et le moyen français, on peut comparer ces transcriptions des Serments de Strasbourg, l'un étant une graphie du XIe siècle (ancien français), l'autre, celle du XVe siècle (moyen français):

Ancien francais (XIe siècle) 

Por dieu amor et por del crestiien poeple
et nostre comun salvement, 
de cest jorn en avant, quan que Dieus saveir 
et podeir me donct, 
si salverai jo cest mien fredre Charlon,
et en aiude, et en chascune chose, 
si come on par dreit son fredre salver deit, 
en ço que il me altresi façet,
et a Londher nul plait onques ne prendrai, 
qui mien vueil cest mien fredre Charlon 
en dam seit.
 

Moyen français (XVe siècle) 

Pour l'amour Dieu et pour le sauvement du chrestien peuple et le nostre commun, 
de cest jour en avant, quan que Dieu savoir 
et pouvoir me done, 
si sauverai je cest mien frere Charle, 
et par mon aide et en chascune chose, 
si comme on doit par droit son frere sauver, 
en ce qu'il me face autresi, 
et avec Lothaire nul plaid onques ne prendrai,
qui, au mien veuil, à ce mien frere Charles
soit à dan.
 

  • Une langue écrite latinisante
Dès le XIIIe siècle, le latin savant faisait son apparition dans le vocabulaire français, mais, au XIVe siècle, ce fut une véritable invasion de latinismes. Au terme de ce siècle, les emprunts au latin devinrent tellement nombreux que les termes français parurent ensevelis sous la masse des latinismes. Un grand nombre de ces mots ne connut qu'une existence éphémère (intellectif; médicinable, suppécliter), mais d'autres réussirent à demeurer (déduction, altercation, incarcération, prémisse). Ce vaste mouvement de latinisation (ou de relatinisation) commença au milieu du XIVe siècle et allait se poursuivre jusqu'au milieu du XVIe siècle. On peut la considérer comme l'un des faits marquants de toute l'histoire du français. 
Il faut voir, dans cette période du français, l'influence des clercs et des scribes instruits et puissants dans l'appareil de l'État ainsi que dans la vie économique de la nation. Ces gens, imprégnés de latin, éblouis par les chefs-d'oeuvre de l'Antiquité et désireux de rapprocher la langue parlée, c'est-à-dire celle des «ignorants», de celle représentant tout l'héritage culturel du passé, dédaignèrent les ressources dont disposait alors le français. Ces «écumeurs de latin», comme on les a appelés, connurent un succès retentissant auprès des grands de ce monde, qui leur prodiguèrent maints encouragements. Ces érudits latiniseurs transcrivirent et/ou traduisirent les textes anciens en les accommodant à l'état du français. Ce faisant, ils éloignèrent la langue française de celle du peuple: ce fut le début de la séparation entre la langue écrite et la langue parlée. Le français perdit la prérogative de se développer librement, il devint la chose des lettrés, des poètes et des grammairiens. 

 

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