Histoire -6- La Renaissance: L'affirmation du français
La Renaissance: L'affirmation du français (XVIe siècle)
Le XVIe siècle fut celui de la Renaissance. Au plan des idées, en dépit des guerres d'Italie et des guerres de religion qui ravagèrent la France tout au long du siècle, le pays vécut une période d'exaltation sans précédent: le développement de l'imprimerie (inventée au siècle précédent), la fascination pour l'Italie, et l'intérêt pour les textes de l'Antiquité, les nouvelles inventions, la découverte de l'Amérique, etc., ouvrirent une ère de prospérité pour l'aristocratie et la bourgeoisie.
1 La prépondérance de l'Italie
Le XVIe siècle fut marqué par la prépondérance de l'Italie dans presque tous les domaines en raison de sa richesse économique, sa puissance militaire, son avance technologique et scientifique, sa suprématie culturelle, etc. Aussi, n’est-il pas surprenant que les Français aient été fascinés par ce pays et qu'ils aient cédé à une vague d'italomanie, que la langue reflète encore aujourd'hui.
Des milliers de mots italiens pénétrèrent le français, notamment des termes relatifs à la guerre (canon, alarme, escalade, cartouche, etc.), à la finance (banqueroute, crédit, trafic, etc.), aux moeurs (courtisan, disgrâce, caresse, escapade, etc.), à la peinture (coloris, profil, miniature, etc.) et à l'architecture (belvédère, appartement, balcon, chapiteau, etc.). En réalité, tous les domaines ont été touchés: l'architecture, la peinture, la musique, la danse, les armes, la marine, la vie de cour, les institutions administratives, le système pénitencier, l'industrie financière (banques), le commerce, l'artisanat (poterie, pierres précieuses), les vêtements et les objets de toilette, le divertissement, la chasse et la fauconnerie, les sports équestres, les sciences, etc. Bref, une véritable invasion de quelque 8000 mots, dont environ 10 % sont utilisés encore aujourd'hui.
buffle |
alarme |
caresser |
panache |
balcon |
caporal |
store |
L'apport de l'italien dépasse en importance toutes les influences étrangères qui ont agi sur le français jusqu'au milieu du XXe siècle. Non seulement cette influence a-t-elle été importante, mais elle a été très profonde, car presque tous les mots se sont intégrés phonétiquement au français, beaucoup ont formé des dérivés ou ont subi des altérations de sens.
2 La découverte du Nouveau Monde
Le français a emprunté de l'Espagne (et du Nouveau Monde) quelque 300 mots, et du Portugal, une cinquantaine de mots. Ces emprunts sont entrés en français à partir de la Renaissance jusqu'au XVIIe siècle, et ce, en incluant les termes d'origine arabe dont une partie est passée dans les emprunts du français à l'espagnol. Cependant, avec la découverte de l'Amérique par l'Espagne et le Portugal, l'espagnol et le portugais auront transmis un nombre important de termes exotiques.
alcôve (arabe) canari marron cacahuète avocat hidalgo
pépite
caracoler
toréador
cortes
mélasse
satin (arabe)
moresque
toque
nègre
savane
cannibale
hamac
intransigeant
écoutille
chocolat
casque
condor
tabac
romance
bizarre
camarade
fanfaron (arabe)
lama
parer
toucan
gaucho
quadrille
caramel
estampille
matamore
passacaille
sieste
adjudant
pacotille
flottille
embarcadère
cigare
tomate
aubergine
boléro
mayonnaise
matamore
mirador
pampa
gitane
tornade
ouragan
maïs
embarcation
cacao
ananas
mandarine
coyote
canyon
lasso
tango
rumba
estudiantin
safran
moustique
canot
mulâtre
jonquille
embargo
pirogue
alezan
parade
bandoulière
anchois
goyave
indigo
palabre
abricot
pastille
castagnette
vanille
cédille
créole
Cependant, l'Espagne n'a jamais exercé une influence aussi grande que l'Italie sur le français, et l'anglais n'établira son influence véritable qu'au XIXe siècle pour l'Angleterre et qu'après la Seconde Guerre mondiale pour les États-Unis.
3 Les problèmes du français Le français de l'époque était loin d'avoir résolu tous les problèmes qui freinaient encore son expansion. Il y avait l'incontournable question de la présence des patois qu'on appelait de plus en plus des «dialectes» (depuis Ronsard), mais aussi la non-uniformisation de l'orthographe, l'omniprésence des «écumeurs de latin» et l'absence d'ouvrages portant sur la description du français. L'hiérarchisation des parlers permettra aux érudits de l'époque de faire dériver tous les dialectes de France de la seule et unique langue française, ce qui, on le sait aujourd'hui, est tout à fait erroné, puisque tous ces dialectes, comme le français, proviennent du même latin d'origine. Comme on peut le constater, l'intégration des parlers régionaux prônée par Ronsard n'a pas pu tenir le coup très longtemps. Le discours du «triomphe» de la langue nationale sur les patois et de la supériorité du français sur les idiomes des provinces deviendra le modèle institutionnel de la civilisation. Par le fait même, la langue se transformera un objet politique comme langue de l'État, c'est-à-dire une langue officielle qu'il faudra organiser et réglementer.